Doit-on compter la despedida dans l’effectif des taureaux ?

07.09.2022

Droit public

La cour administrative d'appel de Toulouse s’initie au droit du sport, façon locale.

La cour administrative d'appel de Toulouse, neuvième et sans doute dernière cour administrative d'appel, inaugurée en décembre dernier, compte dans son ressort le tribunal administratif de Nimes. Or, dans cette même et antique cité, se situe le siège de la Fédération française de course camarguaise, fédération agréée et délégataire dont les 2000 licenciés se situent dans les départements de tradition taurine, c’est à dire ceux du sud.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Si dans la tauromachie on appelle « despedida » les adieux du torero qui quitte la profession, il s’agit, dans les courses camarguaises de ceux du taureau dont chacun sait que son sort final est ici plus enviable que de l’autre côté des Pyrénées,  cet hommage coutumier correspondant à une simple présentation de sortie sans rasetage.

Remarque : le raseteur  est celui qui essaye d’attraper, à l'aide d'un crochet, les attributs primés fixés aux cornes et au frontal du taureau castré appelé « cocardier », parce qu’on compte parmi eux une cocarde, mais aussi deux « glands », symboliques substituts de ce qu’ils ont déjà perdu. C’est d’ailleurs le taureau qui a droit à l’air de Carmen s’il ne perd pas ses attributs dans la course … et non le raseteur s’il les lui prend.

L’article 182 des règlements sportifs de la fédération intitulé « Temps de course et nombre de bêtes en piste » prévoit que les courses de taureaux en compétition comportent 7 bêtes maximum, le septième étant hors point. Si le septième est en supplément il doit rester en piste 10 minutes au minimum dans ce cas le président de course devra l’annoncer en même temps que l’ordre de sortie ».  L’indication dans le règlement que « Pour une despedida, un taureau pourra sortir soit encocardé et faire partie des 6+1, soit sans attribut et sera en présentation pour un temps de 5 minutes » semble avoir été introduite postérieurement à notre affaire.

La cour administrative d'appel était en effet saisie d’une sanction qui avait été infligée par la fédération à un président de course lors de la finale du trophée des maraîchers le 9 septembre 2018 à Châteaurenard. Il lui était reproché d’avoir laissé courir 8 taureaux alors que selon cette disposition un nombre maximal de 7 taureaux était prévu.  Il y avait en effet 8 taureaux, dont un hors points et le taureau Mignon pour sa présentation de sortie. Saisi par l’intéressé, le tribunal administratif de Nîmes avait, dans un jugement du 7 juin 2022, annulé la sanction en expliquant que « Si le taureau Mignon, sorti en quatrième position, est resté 12 minutes sur la piste et a été effectivement raseté, il ne pouvait, compte tenu de sa participation au titre d’une présentation de sortie, être regardé comme l’un des taureaux en compétition soumis au chiffre maximal de 7 inscrits. En outre, il est constant qu’à la date des faits, les règlements fédéraux de la FFCC ne comportaient aucune disposition concernant les conditions de déroulement d’une présentation de sortie d’un taureau en fin de carrière, dite « despedida », notamment concernant sa durée, ses attributs et son inclusion ou non dans le nombre de taureaux admis à courir. Il ressort d’ailleurs des pièces produites par les parties qu’à la date des faits litigieux, les feuilles de course comportaient 8 lignes d’inscription des taureaux et que la pratique de la participation d’un taureau surnuméraire était admise pour sa « despedida », sans toutefois que les modalités de cette présentation de sortie ne fassent l’objet d’un usage coutumier précis et établi ». Le tribunal avait donc admis que le taureau honoré d’une despedida ne comptait pas dans les 6+1.

La fédération interjeta appel en expliquant que l’article 182 du règlement de la fédération était sans équivoque sur le nombre maximum de taureaux pouvant participer à une course officielle et être rasetés. Or en l’espèce, un huitième taureau avait été raseté dans les mêmes conditions que les autres, en violation des règles limitant les taureaux en compétition au nombre de sept. Elle soutenait que la notion de taureau en compétition est rattachée à la participation effective de celui-ci à la course.

C’est dans ce raisonnement que la cour s’est effectivement engagée en retenant que « S’il résulte d’un usage coutumier que la pratique de la « despedida » autorise les organisateurs d’une course camarguaise à faire courir en surnuméraire un taureau en fin de carrière afin qu’il reçoive un dernier hommage, il ressort toutefois des pièces du dossier que la participation du taureau Mignon s’est déroulée, quant à sa durée et ses attributs, comme celle des sept autres taureaux. (…) Au regard des dispositions alors en vigueur de l’article 182 des règlements généraux, lesquelles ne prévoyaient pas les modalités de la participation d’un taureau surnuméraire lors d’une « despedida », le président de course a méconnu ses obligations en laissant se dérouler une course de huit taureaux incluant la « despedida » du taureau Mignon qui s’est déroulée dans les mêmes conditions que la sortie des sept autres taureaux. »

On comprend bien que l’intérêt de cette décision réside essentiellement dans la démarche de la cour qui a recherché quelle était la pratique ou « coutume » et constaté que, si les taureaux de despedida étaient parfois rasetés, c’était quand ils étaient comptés dans les sept en compétition et que s’il était surnuméraire, il ne l’était pas. En outre, cette interprétation du règlement avait été rappelée au président de course. Quant à l’intérêt du commentaire, on dira qu’il était d’apporter un peu de soleil et de couleur dans un automne qui s’annonce un peu gris…

Dominique Rémy, Conseiller scientifique Dictionnaire permanent Droit du sport
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